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Paru dans dans Résistances Communistes n° 131

Ci-gît le Parti socialiste

« Il agit comme un social-traître. »
(Jean-Paul Sartre, Les mains sales, 1947)

dimanche 6 septembre 2020, par Serge BLOCH


Front populaire :

L’histoire du Front populaire, particulièrement riche en événements et en circonvolutions a permis des avancées sociales révolutionnaires : les congés payés, la réduction du temps de travail avec la mise en place de la semaine de quarante heures et l’établissement des conventions collectives. Ce que n’expliquent que très rarement les turlupins de la “gauche officielle”, tout en reconnaissant les luttes syndicales menées par les militants de la CGT et de la CGTU, les occupations d’usines, les défilés et les meetings, ce sont les errements politiques des tenants du pouvoir. Ce Front populaire était composé de membres du PCF, de la SFIO, du Parti radical et de divers gauche, aboutissement fatal des contradictions de leurs arrivismes et de leurs carriérismes. La folklorisation des épisodes par les principicules et les mercenaires de l’autorité n’étant plus à démontrer. Les images de jeunes gens et de jeunes filles vêtus de shorts, faisant de la gymnastique devant des tentes canadiennes avec en arrière-plan des vélos-tandems ou des accordéonistes faisant danser les travailleurs sous les tilleuls ne nous ont pas fait oublier que c’est par la lutte de classe que des conquêtes sans précédent ont été réalisées et pérennisées. Ce n’est ni Blum, ni ses ministres qui ont donné quoi que ce soit à qui que ce soit, hormis aux maîtres de forges et aux 200 familles, mais c’est bien par la lutte que des instants de libertés, de confort et de loisirs ont pu être grappillés sur l’insupportable ennui des jours de labeur.
Paul Faure qui fut guesdiste dans ses jeunes années puis député “socialiste” de Saône-et-Loire et enfin secrétaire général de la SFIO dans l’entre-deux-guerres devint ministre d’État sous le Front populaire, de juin 1936 à janvier 1938. En 1940, il n’est pas nommé ministre mais est très lié au pouvoir de Vichy, pratiquant une collaboration « maréchaliste » et dans ce cadre affligeant, il réprimanda Léon Blum qui ne l’avait pas suivi dans ses errements politiques. Puis, après la guerre Il lui reprocha de ne pas avoir pris la parole lors du vote du 10 juillet 1940. Vote qui donnait les pleins pouvoirs à Pétain. Il lui reprochera aussi sa célèbre phrase sur Pétain : « Le plus noble, le plus humain de nos chefs militaires », laquelle date de mars 1939. S’il l’avait pu, Blum aurait probablement suivi son camarade dans ses divagations et ses frénésies politiques.
Faure ne fut pas le seul ministre du Front populaire, membre de la SFIO, qui poursuivit sa collaboration avec le régime de Vichy. On peut citer Charles Spinasse, ministre de l’Économie, Georges Monnet, ministre de l’Agriculture, Albert Sérol, ministre du Travail et Fabien Albertin, secrétaire d’État aux Travaux publics. La liste des responsables nationaux de la SFIO ayant tourné leurs vestes a jonché l’histoire, des origines à nos jours, c’était inscrit dans leurs prédispositions, quel que soit le système ou le régime en place, il leur fallait gouverner.
Le 11 juillet 1848, l’écrivain catholique social Lamenais écrivit un article titré « Silence aux pauvres ».
La messe était déjà dite !

Les collabos :

François Mitterrand que l’on surnommait “le florentin” pour son art de l’esquive, en référence à Laurent de Médicis et dont les virages et les manigances politiques ne sont plus à démontrer n’était pas, loin s’en faut, le seul homme que l’on ait pu voir traverser la rue d’une rive à l’autre de l’échiquier politique. Il a, presque toujours, été, lui aussi, du côté ensoleillé du pouvoir et de l’autorité. Les lunettes parallactiques des dirigeants socialistes ont dévié leurs regards sur la République et sur le socialisme, passant ainsi du socialisme à la collaboration, sans grands efforts de leurs parts.
Dans le sillon de Marcel Déat et de Pierre Renaudel qui furent députés socialiste, de nombreux “intellectuels” et politiciens socialistes firent la migration qui les autorisa à s’échouer sur les rivages de la barbarie nazie. D’anciens dreyfusards Francis Delaisi (1873-1947), Georges de la Fouchardière (1874-1946), Alexandre Zévaès (1873-1953) et Georges Pioch (1873-1953) qui, après avoir fait carrière dans les instances de la SFIO œuvrèrent dans les instances de la collaboration, du Parti social français (PSF) ou du Rassemblement national populaire (RNP). Paul Perrin qui fut député SFIO de la Seine entre 1932 et 1934 fit sa mue subitement. En novembre 1940, il réclamait une « collaboration loyale entre ces deux grandes nations que sont la France et l’Allemagne » et demanda qu’un « effort exceptionnel de compréhension mutuelle » soit accompli. En 1944, une trajectoire ternaire lui fit rejoindre un réseau de la résistance socialiste où il avait gardé des liens, ce qui lui permit de passer au travers de l’épuration. L’énumération serait trop longue et fastidieuse, mais certains noms sont incontournables. C’est le cas de Maurice Levillain (1892-1974) qui fut président du Conseil général SFIO de la Seine et qui pendant l’occupation s’était lié aux truands de la bande Bonny-Lafont, ces auxiliaires zélés de la Gestapo de Paris. À la libération il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité pour son appartenance au Service de renseignement et de maintien de l’ordre de la SS, puis gracié. Il y eut aussi Barthélémy Montagnon, député SFIO de la Seine ; Paul Rives, député SFIO de l’Allier ; René Château, député SFIO de Charente maritime, Camille Planche, député SFIO de l’Allier, etc., etc.
Ce panel de tristes sires n’étaient, bien sûr, pas la majorité du genre mais correspondait, alors, aux dérives inhérentes aux partis sociaux-démocrates et socialistes et de ceux qui composaient leurs cadres. Ceux qui, mandarins de la sociale-traîtrise, se prétendaient l’avant-garde de la classe ouvrière et qui trahirent sans vergogne, sans pudeur et sans scrupule. Ceux qui se sont tellement discrédités que l’on pourrait désigner comme étant les Amis de l’ordre à l’instar des criminels versaillais qui se voulaient être nommés ainsi.

Mémoire des dérives et dérive des mémoires :

Les ministres et secrétaires d’État issus des cadres dirigeants du parti socialiste qui composent les gouvernements gaullo-bonaparto-pétainistes de Philippe et de Castex sont légion : Florence Parly ; Gérard Collomb ; Jean-Yves Le Drian ; Annick Girardin ; Nicole Belloubet ; Didier Guillaume ; Roxana Maracinéanu ; Olivier Dussopt et Christophe Castaner, sans compter le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand. On ne réécrit pas l’histoire avec des si, ni avec des spéculations ou des supputations, mais on est en droit de se demander combien de ceux-là auraient eu des comportements similaires à ceux de leurs prédécesseurs. Machiavel écrira dans une analyse prédictive : « …ils ont eu père si vil que par vergogne, ils se sont déclarés fils de Jupiter ou de quelque autre dieu.[1] »
Par ailleurs, combien de ceux qui se sont prétendus socialistes à une époque de leurs vies ont tranché dans le vif, dans la Sécurité sociale, dans les droits aux retraites, dans les droits de l’homme en France, au Mali, au Yémen ou ailleurs …, ont contribué à faire interdire les manifestations syndicales et de Gilets jaunes s’en prenant aux chômeurs, aux soignants qu’ils finirent par faire applaudir, aux sapeurs-pompiers qu’ils firent gazer, aux enseignants, aux collégiens qu’ils firent mettre à genoux, les mains sur la tête comme les fellagas algériens le furent avant eux sous les ordres du “socialiste” Guy Mollet ; cette liste n’est pas exhaustive et les charges à porter à leurs passifs sont accablantes et irréfutables.
En 1947, Les mineurs du Nord connurent, eux aussi, la gestion des conflits par un ministre de l’Intérieur “socialiste” Jules Moch, qui leur fit tirer dessus lors d’un important conflit social. Il y eut des morts sur le carreau de la mine. Enfin et afin de limiter dans le temps ce conflit social, Jules Moch menaça d’envoyer l’armée et les chars afin de les remettre au travail au plus vite. Combien d’El Khomri, de Belkacem et de Cazeneuve osent encore se regarder dans un miroir en se disant socialistes. Chateaubriand nommait les lois émises par les ministres et le parlement aux ordres de Charles X, les “lois vandales”. Combien de lois vandales furent l’œuvre de parlementaires et de ministres formés politiquement au parti socialiste ou dans ses zones d’influence ?

La colère :

Mais la colère est immense. Lors du dernier scrutin des municipales, plus de 60 % des électeurs inscrits sur les listes ne se sont pas déplacés, refusant d’être pris, une fois de plus, pour des suivistes, qui « illettrés », « sans dents », sans cervelle, pions facile à déplacer et à ignorer au moment de prendre les décisions. Malgré les interdictions de manifester lors du dé-confinement, des centaines de milliers de travailleurs, de jeunes et de retraités se sont retrouvés dans les rues, des soignants, des personnes qui refusent les violences policières et ceux qui refusent les ukases d’un gouvernement composé, aussi, de “socialistes” amis de Valls et de ses gouvernements réactionnaires. La pseudo union de la gauche recherchée par ceux qui cherchent à tenir encore un peu le gouvernail de l’État ne sont que des adeptes d’un “baiser Lamourette[2] de plus et de ses tartufferies de circonstance.
Le chansonnier montmartrois auteur du Temps des cerises et de La semaine sanglante, Jean-Baptiste Clément écrira dans La revanche des communeux : « La germination extraordinaire des idées nouvelles les surprit et les terrifia, l’odeur de la poudre troubla leur digestion ; ils furent pris de vertige et ils ne nous le pardonneront pas. »

P.-S.

Sources :

JANKÉLÉVITCH, Vladimir ; Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien Le seuil, 1957

LORULOT, André ; Les jésuites L’Idée libre, 1937

ROSMER, Alfred ; Le mouvement ouvrier pendant première guerre mondiale D’Avron, 1993

LEFRANCAIS ; Gustave. Souvenirs d’un révolutionnaire La fabrique éditions, 2013

EPSTEIN, Simon ; Un paradoxe français Albin Michel, 2013

Notes

[1] Nicolas Machiavel, La vie de Castruccio Castracani da Lucca

[2] L’épisode du baiser Lamourette est une tentative de réconciliation proposée par l’abbé Antoine-Adrien Lamourette, le 7 juillet 1792, à l’Assemblée Législative. Lamourette proposa à ses collègues élus de s’embrasser en signe de réconciliation.


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