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Paru dans dans Résistances Communistes n° 131

Ci-gît le Parti socialiste

« Il agit comme un social-traître. »
(Jean-Paul Sartre, Les mains sales, 1947)

dimanche 6 septembre 2020, par Serge BLOCH

« Qu’ils aillent ces lâcheurs, ces faux penseurs, ces faux socialistes, ces exploiteurs de la République, qu’ils aillent lécher les bottes de Thiers, cent fois moins misérable qu’eux tous. Lui, du moins, n’a jamais trahi le peuple qu’il méprise.
Qu’ils aillent se traîner aux basques de cet affreux gnome qui, plus que jamais, leur fera sentir son dédain. Ce sera le digne châtiment de leur hypocrisie »
écrivait Gustave Lefrançais, alors président élu de la Commune de Paris, en 1871, à propos de ceux qui trahirent pour un emploi, une prébende ou des appointements.


Poursuivant sur le même ton sa diatribe : « Deux fois en un quart de siècle (1848 et 1871) on vient de les voir à l’œuvre, ces « fils de la Révolution » … comme disait Bancel.[1]
On sait maintenant la mesure exacte de la tendresse que ces « amis du peuple » éprouvent pour ceux qui travaillent, souffrent et meurent à la peine. » L’expérience de la lutte politique nous a prouvé à maintes reprises que ceux qui se prétendent les “Amis du peuple” sont ceux qui pensent ne pas en faire partie, qui se pensent au-dessus du lot commun constitué de la plèbe, du prolétariat. Ils sont ceux qui, élitistes, pensent pouvoir être en mesure d’expliquer au peuple ce qui lui est profitable et ce qui lui est néfaste, ceux qui restent sur le bord du chemin à regarder passer les manifestations de travailleurs en luttes et à les encourager sans les accompagner, ceux qui font leurs prêchi-prêcha radoteurs et sermonneurs, ceux qui, tels des jésuites tentent de fourguer l’élixir du bonheur, le magistère de leurs savoirs. Gambetta écrivait en 1877 dans une épigramme : « C’est toujours quand la patrie baisse que le jésuitisme monte… ». La notion de patrie revêtait un autre sens qu’aujourd’hui, les prussiens avaient vaincu la France et l’Alsace et la Moselle avaient été annexées.
Le charlatanisme, le banquisme et les simagrées des “chefs” du parti socialiste est toujours le même. Par ailleurs, Gambetta connaissait parfaitement, lui aussi, la méthode jésuitique qu’il dénonçait et qu’il appliquait à ses intérêts et à ses intrigues sans retenue, sans modération et sans honte.
Les appels quasi-systématiques à l’union des gauches, qu’ils écrivent toujours au singulier, lors des scrutins “démocratiques”, ce que Rosa Luxemburg appelait déjà en 1900 dans La crise socialiste en France, la « bouillie républicaine des gauches », tentent d’appauvrir et d’anémier les réflexions, les débats et les actions des socialistes sincères. Cette stratégie relève, non pas de la recherche de coalitions ou d’agrégations des forces socialistes au sein de ce qui pourrait être des combats communs, mais plutôt comme des divisions programmées et cela au nom d’une idéologie dite de « Gôche ». Cette stratégie a une histoire qui remonte aux luttes de ceux qui furent appelés les dreyfusards. Elle n’est pas sortie, tel un lapin blanc, du chapeau d’un magicien, elle est à ce jour, toujours considérée par les tenants d’une méthodologie dite de “Gôche” comme étant indépassable et inéluctable.

“La gauche” :

Le Centre national des ressources textuelles et lexicales (CNRTL) donne une définition révélatrice des stéréotypes stériles dans lesquelles les propagandistes tentent toujours d’envaser le discours et le militantisme, le dreyfusard serait : « (Celui, celle) qui est partisan de Dreyfus et convaincu de son innocence ; par extension, qui à des conceptions politiques de gauche. » Il n’est pas question, bien sûr, de remettre en question l’innocence du capitaine Dreyfus, mais la définition réductrice et hautement politique qui en est donnée, actuellement encore, par ses avocats et ses “partisans” de toute “paroisse”.
À l’époque, Rosa Luxemburg et Paul Lafargue reprochaient à Jaurès de situer le cadre de la défense de Dreyfus sur le seul terrain de l’idéologie libérale des « Droits de l’homme » et non pas dans le cadre de la lutte des classes.
Ceux qui tentent d’avoir des réflexions ou des analyses critiques des clichés et des poncifs exposés, seront considérés comme des personnes faisant le “jeu de la réaction”, au mieux des détracteurs, au pire des traîtres à la notion de progrès, des révisionnistes. Leurs paroles et leurs écrits seront mis à l’index et seront frappés par l’anathème de la bien-pensance.
À ce stade, il n’est pas inutile de rappeler que ni Marx, ni Bakounine ne se sont jamais dit de gauche, auraient-ils eux aussi été excommuniés par les thuriféraires de l’ersatz de socialisme entretenu par les descendants d’Eduard Bernstein ?
Le 26 novembre 1900, lors d’un célèbre débat public qui se déroula à Lille, Jules Guesde mettait en garde Jaurès devant huit mille ouvriers, contre toute alliance organique (c’est-à-dire autre que tactique et défensive) avec la gauche républicaine et son aile « radicale » (celle qu’Engels appelait, dans ses derniers écrits, la « queue d’extrême gauche de la bourgeoisie »). Une telle alliance, prophétisait-il, engagerait inévitablement le parti socialiste sur une « pente glissante » et qu’il serait, tôt ou tard, conduit à dégringoler « jusqu’au bout ». L’Histoire contemporaine avec ses cortèges de “socialistes”, Hollande, Jospin, Valls, j’en passe et même des pires, ainsi que leurs ministres tels Macron en donnent, une fois encore une flagrante démonstration.
Paul Lafargue écrivait dans son livre-pamphlet “La religion du capital” : « Il n’a aucun principe : pas même le principe de n’avoir pas de principe », il pensait au capitaliste en l’écrivant, on peut, aussi, l’accommoder à différentes sauces, dont celle qui nous concerne dans ce chapitre, les sociaux-démocrates, les sociaux-traîtres.
En définitive, les confusions qui se sont créées entre des notions aussi différentes qu’union et unité ont été entretenues tout au long de cette longue histoire, au bénéfice de ceux qui, au pouvoir ou dans les arcanes du pouvoir, de ceux qui ont pour ambition d’accéder au pouvoir avec pour objectif de fédérer des illusions. Nous nous trouvons, donc, dans des sphères conservatrices aux antipodes des forces révolutionnaires et de la lutte des classes.
Tout cela au nom d’un hypothétique bien commun et d’une équité qui n’ont jamais existé et auxquels aucune personne respectable et dotée de raison ne peut croire.

La “Grande guerre” :

Le littérateur et académicien conservateur, Alfred Capus écrivait dans Le Figaro le 11 février 1915 :
« En somme, constatons que le Parti socialiste, après avoir essayé en vain d’adapter la guerre à son programme, est en train d’adapter son programme à la guerre, ce qui est tout à son honneur. »
Une fois de plus, les “barricades” de l’action politique étaient “détruites” et les rapprochements de la sainte alliance belliciste étaient franchis. À la même époque Alfred Rosmer nous rappelait les vieilles paroles de Thucydide : « Si nous ne voulons pas avoir la guerre civile, il faut chercher à provoquer la guerre extérieure. » Et aux prémisses de la guerre russo-japonaise, en 1904, le général Kouropatkine, se confiant au ministre de l’Intérieur tsariste, von Plehve lui annonça : « Nous avons besoin d’une petite guerre victorieuse pour arrêter la marée révolutionnaire. »
Après l’assassinat de Jaurès, en 1914, Adéodat Compère-Morel devenu secrétaire général de la SFIO incriminait le prolétariat : « Ce qui se passe actuellement en Europe est criminel et bien des crimes ont été commis. Mais la plus grande cause du crime est dans l’inconscience insensée des prolétaires qui n’ont pas compris encore que le socialisme seul pouvait établir la paix sur la terre et qui vont payer leur faute de leur sang et de l’épouvantable malheur des leurs. » Ce “moraliste socialiste”, ce donneur de leçon termina sa vie militante après l’Armistice de juin 1940 en se ralliant à la Révolution Nationale du maréchal Pétain et en soutenant la politique de collaboration avec l’occupant nazi. D’autres donneurs de leçons, Jules Guesde et Marcel Sembat entrèrent au gouvernement patriotard et chauvin et ceci avec l’aval du Groupe socialiste au parlement, de la commission administrative permanente et du Conseil d’administration de l’Humanité. La SFIO et le parti socialiste ont une très longue tradition de donneur de leçons, de professionnels de la perfidie, de la mauvaise foi et du brigandage.

Paul Painlevé :

Depuis le cartel des gauches en 1924 jusqu’aux appels aux fusions de listes lors des dernières élections municipales, il est intéressant de faire un très rapide retour en arrière. L’histoire de la “gauche gestionnaire et tenancière” du capitalisme, de celle qui scande des “Vive la France” et des “Vive la République”, de cette gauche qui se complaît dans la délégation de pouvoirs et qui se dit responsable mérite un flash-back !
Lafargue écrit : « La bouche qui ment donne la vie à la bourse » et les metteurs en scènes des tristes parodies de pacifisme, de progressisme et aujourd’hui d’écologisme le confirment régulièrement, avec ponctualité. En 1948 dans son roman titré Algorithme, Alexandre Arnoux parlant des pseudo-socialistes écrivait « Ah ! Comme ils se défilaient, ergotaient, chicanaient, chantaient la palinodie, désavouaient les copains ! ». Ils n’ont pas changé, ils ne peuvent pas modifier leurs comportements à moins de se trahir eux-mêmes !
Entre 1924 et 1928, en France, le gouvernement, dirigé par le Radical Paul Painlevé est composé de radicaux-soc., de socialistes et d’indépendants qui tiennent le gouvernail d’un pouvoir qui ne brilla pas par ses engagements sociaux et démocratiques. Pour mémoire, il est bon de rappeler que Painlevé avait été nommé ministre de la guerre en 1917 et que c’est le même “homme de gauche” qui fit appel à Philippe Pétain pour tenir le rôle de commandant en chef des armées. Une belle référence pour un politicien qui se prétendait humaniste et pacifiste. Et c’est le même politicard qui en décembre 1925, refusa dans une lettre au député André Marty, membre du Comité central de la section française de l’internationale communiste (SFIC), d’accorder la grâce au tirailleur Cheikou Cissé (1890-1933), tirailleur qui avait été condamné à la déportation à perpétuité, en Nouvelle-Calédonie en 1919 ou il mourut en 1933. Cissé était un anticolonialiste originaire du Soudan français, l’actuel Mali. Le colonialisme de gauche, encore un signe distinctif de cette gauche, collaborationniste qui est prête à toutes les compromissions, pourvu qu’elle soit au pouvoir. Ils prétendent qu’il s’agit d’incontournables compromis et en fait ce ne fut qu’une longue litanie de sordides compromissions et de bassesses. Que ne feraient-ils pas pour conserver leurs navrantes “souverainetés”, leurs autorités qu’ils confondirent en toute connaissance de cause avec l’autoritarisme !

P.-S.

Sources :

JANKÉLÉVITCH, Vladimir ; Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien Le seuil, 1957

LORULOT, André ; Les jésuites L’Idée libre, 1937

ROSMER, Alfred ; Le mouvement ouvrier pendant première guerre mondiale D’Avron, 1993

LEFRANCAIS ; Gustave. Souvenirs d’un révolutionnaire La fabrique éditions, 2013

EPSTEIN, Simon ; Un paradoxe français Albin Michel, 2013

Notes

[1] Désiré Bancel, (1822-1871), député républicain de Paris


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