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À paraître dans dans Résistances Communistes n° 133

Du Conseil territorial à la Collectivité européenne d’Alsace !

jeudi 17 décembre 2020


La CEA :
La Collectivité européenne d’Alsace (CEA) est le regroupement des deux collectivités territoriales départementales du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. Le 28 octobre 2020, le gouvernement a fixé par deux ordonnances « diverses mesures institutionnelles » dont la disparition de ces deux départements tout en lui attribuant des compétences spécifiques que n’ont pas les autres départements, à partir du 1er janvier 2021. Par exemple, l’enseignement de la langue allemande est directement impacté en complément de l’enseignement dispensé par l’Éducation nationale. La CEA se voit attribuer une délégation de recrutements d’intervenants contractuels bilingues au sein des établissements scolaires des 1er et 2e cycles. Figure également, pour l’instant, une “indépendance” relative en termes de coopération transfrontalière.
Alors qu’aucune explication de texte n’accompagne ces annonces du gouvernement, un transfert à “titre gratuit” des routes et autoroutes situées sur le territoire ainsi qu’une indépendance de la politique touristique est actée. Un fatras, un micmac, un assemblage hétéroclite et complexe, la caverne d’Ali Baba.
Parallèlement, un certain nombre de transferts de compétences seront compensés par les services de l’État, des compensations fiscales, une partie de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sera reversée, des dotations, etc. Les formes et les fonds sortiront d’un chapeau de magicien, Macron en aurait probablement conclu que c’était de la pipe et pourtant…

Toujours dans le n° 88 de RC, nous écrivions : « L’embrouillage permanent a été utilisé, pour détourner les réalités des problèmes concrets, en vue de diviser la classe ouvrière et en espérant lui faire croire que les difficultés des travailleurs en Alsace ne pourraient être résolus que par les alsaciens eux-mêmes. La confusion a été entretenue en mettant en vitrine volontairement les sujets dits « sensibles » et soi-disant identitaires de la région : le régime local de Sécurité sociale, le Statut scolaire d’exception, le dialecte, la marque déposée « Alsace », les corporations obligatoires des artisans, le droit local, le droit social, l’ouverture des commerces le dimanche. »
Aujourd’hui rien n’a changé, dans le magazine du Conseil territorial du Bas-Rhin de décembre 2020, le dernier à être publié sous cette appellation, les responsables jonglent avec hardiesse sur les mêmes sujets sensibles, quitte à faire ressurgir des tréfonds de l’histoire les mouvements autonomistes, régionalistes, folkloristes et identitaires. Un article titré « L’Alsace, inlassablement » nous joue une partition qui selon son auteur (non signé) est millénariste et éternelle, mêlant le dialecte si riche, la religion et l’humanisme rhénan, les paysages éblouissants, la fraternité avec les voisins français et allemands ne peut qu’éveiller des souvenirs de triste mémoire.
Dans la même gazette, un autre article édifiant porte pour titre “Une nouvelle Alsace pour les alsaciens”, n’osant probablement pas écrire l’Alsace aux alsaciens, nous retrace le calendrier des événements à venir :
« Mars ou juin 2021 en fonction de la situation sanitaire : Les Alsaciens éliront leurs nouveaux Conseillers d’Alsace.
Avril ou juillet 2021 : Installation de la nouvelle assemblée »

Une propagande qui se termine par les interventions d’une pasteure, du président de la grande mosquée de Strasbourg, du Grand rabbin du Bas-Rhin et de l’Archevêque du diocèse de Strasbourg, vraisemblablement pour nous vanter les bienfaits du concordat bonapartiste de 1801, toujours en usage dans les trois départements 67, 68 et 57.

Il n’est pas un jour où la presse régionale, qui appartient exclusivement au groupe EBRA, filiale du Crédit mutuel, ne se fasse pas l’amplificateur officiel de cette politique. Ainsi, dans l’un de ses suppléments publié au cours du mois de décembre, on peut lire une interview décomplexée de Frédéric Bierry (LR), encore président du Conseil départemental du Bas-Rhin, dont le titre est révélateur de leurs desiderata : « Nous voulons créer le service public alsacien ». Rémy With (LR), son collègue haut-rhinois, pour sa part et en toute modestie, en appelle à « La renaissance de l’Alsace », se prenant probablement pour un nouveau Pic de la Mirandole ou un Machiavel rhénan. Tristes personnages mis en place parce qu’insipides politiquement, ils ne représentent aucun danger pour leurs suzerains du capital-financier, pour les spéculateurs et les prévaricateurs.

L’état de la régionalisation en Europe :
Le rapport de l’Assemblée des régions d’Europe (ARE), une structure émanant directement des instances de l’Union européenne, a édicté en juin 2010 un rapport particulièrement explicite et édifiant. L’article 13 ; alinéa 5, le formule ainsi : « Le renforcement et l’approfondissement du régionalisme s’appuient sur la coopération transfrontalière. Le développement d’une identité régionale s’appuyant sur la coopération transfrontalière favorise la stabilité politique et sociale. »
L’alinéa 6 poursuit cette démarche en inscrivant dans le marbre : « La constitution du Comité des régions au sein de l’Union européenne et du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe représente des avancées importantes pour le régionalisme en Europe. Avec le temps, le régionalisme doit aboutir à une Europe des régions constituant un troisième échelon, ce qui conduirait à transformer le Comité des régions en une véritable Assemblée régionale. »

En définitive, le gouvernement Macron ne fait qu’appliquer des décisions prises selon un principe dit de subsidiarité, qui lui-même émane directement de la Charte sociale de l’Église, et le tout sans barguigner, le petit doigt sur la couture du pantalon. Les décisions sont prises à Bruxelles et à Paris et dans les autres capitales on applique scrupuleusement les directives, ainsi la messe est dite, circulez, il n’y a rien à voir.

En 2012, un autre texte de cette même ARE était publié, il avait pour titre : « Déclaration sur le régionalisme en Europe » ; on y trouvait le pire du pire, un petit florilège : « (…) Certaines régions rassemblent depuis longtemps des communautés, des ethnies, voire des nations distinctes, tandis que d’autres ont été créées en tant que districts administratifs » (…) « Les régions éléments indispensables de démocratie, décentralisation et autodétermination permettent à leurs populations de s’identifier à une communauté. »

Dans la rubrique Compétence, ce texte (art. 3) est particulièrement éclairant sur la démarche :
« Si l’État dispose d’une administration décentralisée au niveau régional, afin d’éviter les doubles emplois, il transfère aux organes de la région le personnel et ressources financières correspondantes. » En annexe, des exemples de compétences déléguées aux régions sont données : « Politique économique, aménagement du territoire, logement, télécommunication et transports, énergies, environnement, agriculture et pêche, éducation à tous les niveaux, université et recherche, culture et médias, santé publique, police et sécurité publique, tourisme, sport, etc. »

Le Groupement européen de coopération transfrontalière est une autre structure qui travaille le même sujet. Le GECT a pour base juridique un règlement (CE)n° 1082/2006 du parlement européen et du Conseil de l’Europe. Ce sont les sujets qu’abordent activement, les représentants du gouvernement Macron : privatisations, mises en place des délégations de services publics et des partenariats publics-privés. On comprend mieux ce qui se prépare tant en Alsace que dans les autres départements et régions administratives.
Et c’est ainsi que le pouvoir central, tout en se défaussant de plus en plus sur les régions, prépare et inscrit, non seulement, de nouvelles privatisations à son agenda mais aussi de nouvelles casses de l’architecture géographique républicaine issue de la Révolution française.
Décidément, tout ce qui a trait à la Révolution doit être cassé et enfoui par les revanchards au pouvoir.

Le pouvoir ne règne qu’à la condition de diviser ; il n’a de ressource que dans l’heureuse alternative de la ruse ou de la force, écrivait Lord Byron. Malheureusement Macron connaît ses classiques et les applique sans discernement et sans prendre en considération l’époque et la réalité sociale.


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