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L’adaptabilité aux temps des crises

samedi 26 juin 2010, par Serge BLOCH


Le très beau texte de Louis Mairet devrait nous faire réfléchir sur la situation des travailleurs contemporains.
“Le soldat de 1916 ne se bat ni pour l’Alsace, ni pour l’Allemagne, ni pour la patrie. Il se bat par honnêteté, par habitude et par force. Il se bat parce qu’il ne peut faire autrement. Il se bat ensuite parce que, après les premiers enthousiasmes, après le découragement du premier hiver, est venue, avec le second, la résignation (…) On a gradué ses sentiments au niveau des événements journaliers, et retrouvé son équilibre dans le déséquilibre. On imagine même plus que cela puisse changer. On ne se voit plus retournant chez soi. On l’espère toujours, on n’y compte plus”.

S’ils endurent, c’est qu’ils adhèrent, prétendent selon les archétypes du consentement les intellectuels bourgeois, ou selon des constructions idéologiques décelables dans les éditoriaux de la presse.

Mais la guerre comme toutes les grandes épreuves sociales (crises économiques, terreurs ou épidémies) devient un événement extérieur à la conscience de chacun et est affronté de manière très largement collective. Cet élément est parfois perdu de vue en raison du caractère individuel d’un grand nombre de sources.

“Le soldat de 1916(...) se bat parce qu’il ne peut faire autrement”. Le travailleur, le chômeur, le retraité d’aujourd’hui face aux postulats posés par les pouvoirs politiques et financiers ou par les patrons ne se trouve t’il pas dans une situation sensiblement identique ?

Face à la réalité et à l’évidence de la guerre, les individus et les sociétés s’adaptent. Les relations sociales et les dispositifs institutionnels se resserrent pour leur permettre de “tenir”. La faculté de “tenir” n’est donc pas un choix ou une décision personnelle, mais relève du tissu social qui encadre et relie les individus. Ils produisent, souvent, des discours qui tentent de donner du sens à leurs actes, à leurs pratiques et à leurs expériences, sans toujours y parvenir. Or l’absence de motivations explicite et la passivité, voire la démotivation croissante des soldats du rang exposés à la violence de la guerre, ou des salariés exposés aux violences d’un autre ordre, de l’entreprise, aux privations et aux dégâts sociaux alterneront des expressions de motivation et de démotivation. Ces alternances, ces juxtapositions, ces enchevêtrements idéologiques souvent inconscients reflètent simplement des positions différenciées au sein d’un espace social et d’une époque donnée.

Dans cette hypothèse sociologique, si la ténacité combattante ou travailleuse ne tient pas à un choix ou à une motivation, elle relève donc du conformisme social qui voit des individus, membres d’une société fortement normée et hiérarchisée, accomplir sous le regard des autres ce qui relève autant de la loi que d’un devoir partagé et prendre leur part à une expérience collective évidente.

La crise actuelle devient “la situation sociale ordinaire” et précisément parce qu’elle est extraordinaire, choquante, déstabilisante, les liens sociaux et les dispositifs institutionnels (syndicats, partis,...) s’adaptent et se resserrent pour y faire face. C’est ce qu’on peut observer lors de toutes les périodes sensibles de notre histoire.

Un autre argument, une autre époque, un autre espace politique.

“Cher Monsieur Húsak, pourquoi les gens se comportent-ils comme ils se comportent ?” demanda Havel au premier secrétaire du Comité central du Parti en 1975. Il lui envoya une lettre qu’il avait mis deux semaines à rédiger et qui allait devenir un essai sur la déchéance morale de la société.

Il fournit lui-même la réponse : “Ils sont poussés par la peur”.

Mais pas la peur au sens commun du terme : “La plupart des gens que nous côtoyons ne tremblent pas d’effroi comme des feuilles ; ils semblent plutôt contents et sûrs d’eux”.

Havel pense à une peur bien plus profonde : “Au sentiment plus ou moins conscient d’être collectivement l’objet d’une menace constante et omniprésente, à une lente accoutumance à cette menace” et à l’utilisation de plus en plus banalisée de diverses formes d’adaptation comme seul moyen possible de se “défendre”.

Les organisations issues de la classe ouvrière ont un rôle essentiel à jouer pour aider à une compréhension affinée des phénomènes inhérents à la société de classe et de luttes des classes dans laquelle les travailleurs se meuvent. L’accélération de la complexification des mouvements oscillants de l’histoire moderne et contemporaine, font que, sans les outils théoriques, sans l’utilisation permanente des sciences sociales et des sciences humaines, sans l’étude analytique des fonctions et des effets historiques, la lutte des classes ne peut que se fourvoyer dans l’instantané. Sachant que l’instantané ne peut pas permettre de prendre le recul indispensable à la compréhension du présent, et encore moins du futur, la mainmise des entrepreneurs de mémoires phagocyte la mémoire collective. L’oubli devient donc la norme mémorielle, sauf lorsque la mémoire utilisée par les bourgeoisies de pouvoir ont intérêt dans le but d’assoir leurs prérogatives d’annihiler, de folkloriser et de faire de la mémoire un spectacle permanent.

Le Parti ouvrier indépendant se doit d’être au cœur de la bataille idéologique, et il l’a parfaitement compris. Il en a les ressources en son sein que l’on se doit d’utiliser pour comprendre, tenter de répondre et d’accompagner les luttes du quotidien, qui préparent l’avenir.

Serge BLOCH

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