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Le Régime Local d’assurance maladie en Alsace-Moselle

lundi 19 décembre 2011, par Serge BLOCH


Lors de la promulgation du nouveau régime de la Sécurité sociale en France par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, il existait déjà un régime local d’assurance maladie en Alsace-Moselle, dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. C’est l’un des héritages des assurances sociales du Reich allemand auquel ces trois départements avaient été rattachés de 1871 à 1918 et de 1940 à 1944.
L’Alsace - Moselle connaît donc un régime d’assurance maladie depuis 127 ans, hormis les mines d’Alsace et de Moselle qui connaissaient un système spécifique d’assurance dit (Knappschaftsverein) qui s’apparentait à une mutuelle depuis 1873.
- Mais l’histoire de ces régions est spécifique, et les fluctuations correspondent aux divers changements de souveraineté. L’histoire des organisations syndicales et des luttes ouvrières des différentes périodes dans ces départements ont également influencé durablement les évolutions politiques, sociales et les mentalités.

Petit rappel historique :

En 1871 l’unité allemande recherchée par l’aristocratie depuis le congrès de Vienne en 1815 et la Confédération germanique des années 1850 (union douanière, unité économique, monnaie unique) est réalisée par Bismarck. Cette unité se fait sur une base d’union de 25 États. Chacun conserve un gouvernement souverain dans tous les domaines qui ne relèvent pas de la compétence du Reich (une histoire qui nous rappelle particulièrement celle d’aujourd’hui !).

Et l’Alsace dans tout cela ?

Nous pouvons distinguer 3 grandes périodes pour comprendre les évolutions du Régime local d’Assurance Maladie :

1) La période allemande : période d’une législation sur les assurances sociales (1883-1918)
- Avant 1871 et à partir de cette date, date de rattachement de l’Alsace-Moselle à l’empire allemand, il n’existait que des sociétés de secours, basées sur une adhésion individuelle non obligatoire. Elles assuraient leurs membres contre le risque maladie. Ce régime a persisté après l’annexion, jusqu’en 1883.
- Les raisons de la réforme allemande en 1883, qui instituait l’assurance obligatoire des ouvriers contre la maladie, sont purement politiques et paradoxalement antisociales. La législation allemande est le produit de la peur de la bourgeoisie et du gouvernement du Reich dirigé par Bismarck, face à la montée d’un mouvement ouvrier de plus en plus puissant et qui devenait, aux yeux des détenteurs du pouvoir, une menace pour le jeune État unitaire. Le souci de protéger aux yeux du pouvoir l’État contre l’agitation sociale, due à la misère des prolétaires, conduisit les dirigeants politiques à adopter une loi (Sozialistengesetz) qui interdit toute activité du Parti ouvrier socialiste allemand et des syndicats libres. La répression est féroce : Elle interdit les groupements, les rassemblements, les démonstrations publiques, la presse socialiste ; les membres des groupements socialistes peuvent se voir signifier une interdiction de séjour dans certaines villes et régions. Mais la loi n’empêche pas les députés socialistes de siéger au Reichstag ; elle ne supprime pas le droit de coalition.
- Parallèlement à la mise en place de ces répressions, le gouvernement ébauche la réalisation des exigences des socialistes. Il s’agit là, d’une stratégie à double face, répression et tentative de s’attacher la classe ouvrière au jeune état allemand grâce à des prestations sociales. C’est donc sous la pression des classes laborieuses allemandes que le pouvoir fléchi puis cède.
- Une des particularités du système allemand est la gestion par les élus des assurés et leurs employeurs (2/3 des délégués des assurés et 1/3 des employeurs) en fonction des contributions des uns et des autres. Le système financier est la capitalisation. En 1884 la loi sur l’assurance contre les accidents du travail est promulguée et en 1889 la loi sur l’assurance invalidité et la vieillesse.

2) L’entre-deux -guerres (1918-1939) :
- Si les lois sociales n’ont pas rencontré beaucoup d’enthousiasme lors de leur introduction en Alsace et en Moselle (les cotisations sociales étaient obligatoires et la pauvreté des salariés importante), les travailleurs se sont attachés à ces lois avantageuses. Alors que le pouvoir français veut introduire dans ces 3 départements l’ensemble du droit français, les autorités maintiennent le droit aux assurances sociales en l’état à travers les lois du 17 octobre 1919 et du 1er juin 1924.
- En 1920, c’est par la grève générale que les travailleurs des 3 départements ont maintenu le régime local de sécurité sociale contre le patronat et le gouvernement qui voulaient le supprimer.
- À cette époque la France n’avait rien de semblable que l’on pouvait substituer au régime social en place. Alexandre Millerand, alors Commissaire Général de la République pour l’Alsace-Moselle (ex-républicain-socialiste et un des chefs du Bloc National), s’était montré favorable au régime local ; il en prônait même l’extension à l’ensemble du pays.
Millerand doit faire face à une agitation sociale forte, comme dans beaucoup de pays, en 1919 (les soviets alsaciens ont laissé des traces dans la classe ouvrière). Il joue la carte de l’apaisement des conflits, de la reconnaissance des syndicats et de la négociation. Millerand doit annoncer à la presse et devant les assemblées qu’il ne touchera pas à la législation sociale, c’est-à-dire que les Alsaciens-Mosellans garderont leurs avantages par rapport aux autres Français, en matière d’assurance, de caisses de prévoyance.

En 1924 le Code des Assurances Sociales sera traduit en français et restera en vigueur jusqu’en 1940 date de l’annexion ; l’Alsace est rattachée au pays de Bade et la Moselle à la Sarre. La législation allemande va de nouveau être introduite dans le Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle.
Différentes ordonnances du Ministère du Travail du Reich interdisaient aux « non-aryens » et aux personnes qui avaient eu des activités marxistes, d’exercer des métiers relevant de la médecine de caisse.

À noter qu’en 1941, l’assurance maladie fut introduite pour les retraités.

3) Le déclin et la fin du régime local (1946) :
- En septembre 1944 les 3 départements repassent sous la souveraineté de la France. Le régime local d’assurance maladie sera rétabli provisoirement entre cette date et juin 1946.
- Le 1er juillet 1946 est mis fin définitivement au régime local de la Sécurité Sociale. Mais, la création de dispositions transitoires locales permet cependant le maintien d’une règlementation présentant des avantages pour les assurés. Le régime transitoire a été mis en place en attendant l’absorption du régime local par le régime général applicable aux salariés sur l’ensemble du territoire français. Ces dispositions transitoires prévoient des avantages (tiers-payant, gratuité de l’hospitalisation et autogestion en vigueur dans la loi allemande) et confère au régime local un caractère législatif parce que l’appellation « régime local » y a été introduite. La gratuité des soins était un des avantages du régime local applicable en Alsace-Moselle avant 1940. Remise en question par l’introduction de la Sécurité Sociale, un ticket modérateur égal à 10 % en Alsace-Moselle (au lieu de 20 % sur le reste du territoire français) fut institué et rendu obligatoire par la loi pour les frais médicaux, paramédicaux et pharmaceutiques.
Les dispositions locales complémentaires figurent aujourd’hui dans le code de la Sécurité Sociale.


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