Le retour des naufrageurs ?

Décidément, le retour de M. Allègre sur toutes les chaînes, l’inventeur en son temps de la “stratégie de l’épidémie” contre les droits et acquis sociaux, devait s’accompagner de celle de son meilleur ami, de toujours, qui l’avait propulsé à la direction du ministère de l’Éducation Nationale et défendu (presque) jusqu’au bout. Car de Lionel Jospin, on ne peut se permettre d’entendre que loyauté, persévérance, humanité, reconnaissance, fidélité, rédemption… C’est rare de se tenir devant une télévision et de se sentir autant pénétré de son humilité, comme si on n’avait jamais abandonné le culte…

Pourquoi ressortir des boules à mites^[1] un Lionel s’étalant sur ses reniements, mais persistant sur ce qu’il aurait détesté être toute sa jeunesse durant ?

Pourquoi aujourd’hui ressortir, celui qui s’était retiré de la vie politique après avoir réalisé le plus grand naufrage de la gauche de tous les temps, après celui de 1914 ? Où se trouve l’actualité de Lionel Jospin pour une finance, qui décide de tout dans les médias ? Lionel Jospin était entré, comme moi, et d’autres, au PS d’Épinay, pour l’aider vers la gauche, le prendre au mot sur son objectif affiché de vouloir “rompre avec le capitalisme”. Certes, on peut mettre différentes choses sous ce vocable, et la discussion est légitime dans les courants du mouvement ouvrier sur cette question.

Mais dans tous les cas, rompre avec le capitalisme, ne peut signifier, soutenir la politique de blocage des salaires instauré par l’ancien responsable RPR-CFTC Delors, puis la reconstitution des carrières des généraux putschistes d’Algérie, puis la flexibilité, les petits boulots et enfin les dénationalisations de Chirac…

Or c’est bien cela que finalement le Lionel qui parle à Jospin a fait. En expulsant Socialisme Maintenu, au passage, du PS, pour ne tolérer que des opposants de cour, tuant une bonne part de ce qui restait de démocratie interne à ce parti, et le parti lui-même.

En définitive, n’est-ce pas - avec en même temps une hypocrisie pénétrée sur une soi-disant fidélité à la cause du socialisme, qui suscite l’admiration des connaisseurs - parce que Lionel Jospin a brutalement retourné sa veste en faisant de son gouvernement celui des privatisations tous azimuts, en alliance avec la droite à l’Élysée, qu’il est aujourd’hui présenté comme le sauveur possible ?

Le sauvetage du parti socialiste est-il possible dans l’alliance de la gauche vers le centre, les verts, la droite, l’UE de Maastricht ?
La réponse n’est-elle pas dans la défaite de Lionel Jospin lorsqu’il refusait que son programme présidentiel fut socialiste, mais moderne… ?
Le problème aujourd’hui reste le même, s’il s’agit de la défense de notre camp social, celui des travailleurs, il ne peut y avoir continuité - quelque soit l’homme, ce n’est pas le problème - avec la politique qui tourne le dos à la rupture avec le capitalisme, qui cherche en définitive à sauver le capitalisme en crise.

Pourquoi ressortir ce grand perdant ? Cela ne peut-il faire penser au consensus entre la droite et la gauche qui se sont assis à Versailles sur le vote majoritaire du peuple contre la constitution de l’UE ? Tu votes mal, on te change le vote. T’as mal voté le 21 avril 2002, on te le remet, t’avais qu’à y penser avant…

Ainsi veut-on nous remettre ce “socialiste de toujours”, d’une fidélité archaïque à son camp… Il n’y a qu’un seul archaïque actuel dans ce pays, et c’est bien Jaurès. Sinon, comme dit l’autre, la deuxième fois, c’est une farce.