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« Nous revenons ! »

Paru dans Résistances Communistes n° 129

mercredi 11 mars 2020, par Serge BLOCH

Le Peuple forge ses chaînes de Jean-Paul Marat (1743-1793) fut publié à Londres en 1774, à l’occasion de la nouvelle élection du parlement d’Angleterre, ce qui valut à l’auteur bien des déboires.
Vingt-cinq ans avant la Révolution française, le livre comportait cette déclaration en dos de couverture : « Le mal est dans la chose même et le remède est violent. Il faut porter la cognée à la racine. Il faut faire connaître au peuple ses droits et l’engager à les revendiquer ; il faut lui mettre les armes à la main, se saisir dans tout le royaume des petits tyrans qui le tiennent opprimé, renverser l’édifice monstrueux de notre gouvernement, en établir un nouveau sur une base équitable. Les gens qui croient que le reste du genre humain est fait pour servir à leur bien-être n’approuveront pas sans doute ce remède, mais ce n’est pas eux qu’il faut consulter ; il s’agit de dédommager tout un peuple de l’injustice de ses oppresseurs. »


« Nous revenons ! »[1]

La longue et pénible histoire des répressions policières, en France, remonte à la nuit des temps. En fait, la répression policière, ainsi que ses corollaires, les punitions, les violences, la brutalité et ses excès, font partie de l’arsenal de base et de l’attirail utilisé par l’ensemble des despotes qui se prétendent “éclairés” ou pas, qu’ils soient monarchistes ou qu’ils soient “républicains” bourgeois, à l’égard des peuples en lutte.

L’ancien régime, s’en prenant aux travailleurs de la ruralité, portait intrinsèquement ses cortèges de châtiments, de proscriptions et d’assassinats. Il n’a jamais modifié ses comportements restrictifs et autoritaires depuis, au moins, la grande jacquerie de 1358 et ceci jusqu’à la période révolutionnaire. Nous pourrions, aussi, revenir sur un épisode « oublié », les Bagaudes, qui, dès l’époque dite gallo-romaine firent assassiner en grand nombre des bandes armées de paysans sans terre, des esclaves, des soldats déserteurs ainsi que ceux que les pouvoirs du moment considéraient comme des brigands. C’est-à-dire ceux, qui, déjà à l’époque luttaient contre le poids de la fiscalité romaine conjugué à la misère causée par le refroidissement du climat et par les pillages des nouveaux “maîtres”.

D’ailleurs, il semblerait, à quelques détails près, que la façon dont Jupiter et les adeptes du « nouveau monde » aient présentés, dès ses origines le mouvement des Gilets jaunes aient certaines similitudes avec cette histoire quelque peu oubliée dans les programmes de nos établissements scolaires, ce qui confirme réellement que la notion de « nouveau monde », n’est qu’une figure de style, une fois de plus, redondante et superfétatoire. Personne n’y croit et pourtant de nombreux flagorneurs et lèche-bottes se prêtent à ce jeu de pouvoir, avec componction et sans réserve. François Mauriac écrivait, en 1933, dans un livre un peu oublié, Le mystère Frontenac : « Ceux qui ont compris votre généreuse pensée se sont fait traiter de jaunes et de lèche-cul et de tout ce que le respect et les lois de la politesse m’empêchent de vous écrire sur ce papier. » C’était joliment formulé et juste, au XVIIe siècle, ils se faisaient appeler les dévots, d’autres, Voltaire et Diderot, les nommèrent les génuflecteurs.
Il y eut aussi les révoltes des Rustauds, la Guerre des paysans en Alsace et en Lorraine, les révoltes anti-seigneuriales en Auvergne, les soulèvements des Francs-Museaux en Languedoc, les grèves fiscales toujours en Languedoc, les soulèvements des Pitauds et celles des Croquants, toutes sévèrement réprimées dans des bains de sangs, “comme il se doit”. Il y eut aussi, la révolte des Va Nu-Pieds en Normandie et la Fronde des paysans en 1648-1649, révoltes anti-militaires, l’anti-militarisme n’étant pas encore défini en tant qu’axiome et antifiscal qui apportèrent leurs lots de violences répressives sous le régime totalitaire, monarchique et honni.

La période qui suivit la Grande révolution ne fût pas, elle non plus, tendre avec les porteurs de velléités révolutionnaires. Il suffit de se rappeler des “révoltes” des canuts en 1831 qui sont réellement considérées comme les premières révoltes ouvrières. Les canuts occupèrent Lyon et ayant pris pour slogan « Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant » se virent envoyer par le pouvoir royal 20 000 hommes de troupe et 150 canons pour les réprimer. Puis en février 1834, les canuts, toujours dans la lutte, occupèrent de nouveau les hauteurs de Lyon où ils se sont vus contraints de faire face à 12 000 soldats armés. Puis en 1848, la société ouvrière des “Voraces” qui fondèrent des sociétés mutualistes et des coopératives. Et enfin, ces mêmes “Voraces” portèrent une nouvelle insurrection en 1849, en écho au soulèvement des républicains parisiens. Cette insurrection est, bien sur, violemment réprimée. Pour mémoire, la proxémie linguistique de « vorace » nous entraîne en direction, en autre, d’insaturable, d’inassouvissable et d’inextinguible, programme séduisant pour ceux qui raisonnent en révolutionnaire.
Il faut, à ce propos rappeler que la Loi Le Chapelier, datant de 1791, loi qui interdisait aux ouvriers de se regrouper était un véritable « coup d’État bourgeois ». Loi-coup d’État qui ne fut pas appliquée aux syndicats patronaux et qui ne disparut que le 21 mars 1884 par la promulgation de la Loi Waldeck-Rousseau. Cette loi qui autorisait, enfin, la mise en place des syndicats en France. Cette loi qui est toujours en vigueur et qui est intégrée au Code du travail (Articles L2131-1 et suivants) et que de nombreux gouvernements, depuis, tentent de contourner, de minorer, d’affaiblir.

Mais le XIXe siècle, fut aussi celui des répressions des journées de juillet 1830. Elles furent terribles et firent plus de 800 morts chez les insurgés parisiens. La monarchie, revenue au pouvoir, prit pour ministre de l’intérieur, le comte de la Bourdonnaye qui depuis 1815 réclamait pour ses ennemis politiques « des supplices, des fers, des bourreaux, la mort, la mort. » Tout un programme que ses adulateurs et ses flatteurs d’alors appliquèrent avec la rigueur impitoyable que l’on sait.

Plantons le décor.
Juillet 1830. Depuis des mois, le peuple et les bourgeois sont mécontents. Il y a la crise économique, et aussi la défiance grandissante à l’égard du roi Charles X. Celui-ci ne trouve rien de mieux à faire que, dans un réflexe de classe, lancer le 25 juillet quatre ordonnances. La première suspend la liberté de la presse ; la seconde dissout la Chambre des députés ; les troisième et quatrième modifient le régime des élections pour assurer une majorité favorable au roi. Macron, en monarque républicain et utilisant la procédure du 49-3, a retenu la leçon de l’un de ses prédécesseurs, Charles X et s’ouvre des perspectives peu flatteuses.

1848, des journées qui ébranlèrent le monde :
Le roi Louis-Philippe étant aux affaires envoya 70 000 hommes de troupes remettre de l’ordre parmi les révolutionnaires républicains qui subirent des pertes considérables. 5700 crimes furent perpétrés selon la comptabilité de l’époque. Les explosions bourgeonnaient, puis prenaient leur essor pour des raisons liées aux puissantes et exponentielles injustices sociales, aux droits revendiqués à la médecine, à une époque où la tuberculose faisait des ravages dans la classe ouvrière et où le gouvernement interdisait les faux banquets qui étaient, de fait, de vraies réunions politiques. Au moment où “sévit” une nouvelle forme de pandémie, le coronavirus, Macron a retenu les leçons de ses maîtres à penser et tente, lui aussi, de restreindre au maximum, les libertés publiques. Les républicains bourgeois prirent le pouvoir et fondèrent la IIe République qui ne permit pas à la classe travailleuse de sortir des ornières dans lesquelles elle était embourbée. Victor Hugo écrivit à propos des nouveaux “patrons républicains” qu’ils étaient : « Des républicains de l’espèce dite « républicains farouches » qui ne sont (…) que des autocrates retournés. Ils disent : « La République, c’est nous ! » absolument comme Louis XIV disait : « L’État, c’est moi ! ».

P.-S.

Bibliographie :

Ross DOMONEY.- A story of police violence in France. The Guardian

Henri GUILLEMIN.- Réflexions sur la Commune. Ed. Gallimard, 1971

Louise MICHEL.- A mes frères. Ed. Libertalia, 2019

Jean-Paul MARAT.- Le Peuple forge ses fers. Berg International, 2015

DOMMANGET.- La Commune de Paris de 1871 ; Tome III, La Répression. Ed. Lefeuvre, 1947

Notes

[1] Louise Michel ; Conférence à l’Élysée-Montmartre, le 22 novembre 1880 : « Nous revenons, nous marchons seuls en avant, car nous savons celui que nous voulons frapper, et ce ne sera pas vengeance, ce sera justice. »


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