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On est là, on est là et même si Macron le veut pas…

À paraitre dans Résistances Communistes n° 128

jeudi 12 décembre 2019, par Serge BLOCH


Toujours selon l’académicienne, une question se pose à ce stade. Les Gilets jaunes seraient-ils en train de redécouvrir la formule du jeune Marx selon laquelle « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Elle en déduit que les grandes inégalités trouvent leurs origines par la quasi-impossibilité sociale d’accès d’un grand nombre aux études supérieures.
Et elle cite aussi Brecht dans un poème resté fameux :

« Questions que pose un ouvrier qui lit » :

« Qui a construit Thèbes aux sept portes ?
Dans les livres, on donne les noms des rois.
Les rois ont-ils traîné les blocs de pierre ?
Babylone, détruite plusieurs fois,
Qui tant de fois l’a reconstruite ? Dans quelle maison
De Lima dorée logèrent les ouvriers du bâtiment ?
Quand la muraille de Chine fut terminée,
Où allèrent ce soir-là les maçons ? »

Quand on traversait avant 1989 le pont sur l’Oder, frontière séparant l’Allemagne que l’on disait “de l’est” et de la Pologne, on pouvait lire sur la rive opposée une immense inscription : « Die Grenze verläuft nicht zwischen den Völkern, sondern zwischen oben und unten. » « La frontière ne passe pas entre les peuples, elle passe entre le haut et le bas ». Et Danielle Sallenave cite un Gilet jaune rencontré sur un rond-point : « Dans notre groupe, il y a des ouvriers, des artisans, des fonctionnaires, des apprentis… Tout le monde travaille et personne ne s’en sort ! » (…) Ce qu’on subit (…) quand on est en bas ! Les fins de mois difficiles, les allers-retours chaque jour dans sa voiture, ou bien le train, et puis encore la voiture jusqu’au lotissement. Le pire, c’est le consentement, la résignation, résultat de tout un travail de duperie et de justification des possédants, dont nous sommes complices si nous ne disons rien. »

Dans l’un de ses romans, l’écrivain bourgeois, Maurice Genevoix en fait une autre description : Une belle maison dans la vallée de la Loire, maison habitée par un médecin et sa vieille bonne : « La longue façade de la maison s’étire, fleurie, dorée, imbibée de soleil (…). La chambre de la vieille domestique est de l’autre côté, vers le nord, dans ces régions froides sous la basserelle » (NDLR : toiture qui descend jusqu’au sol). Comme l’écrit très justement D. Sallenave, « Clémence est dans l’ombre, elle vit dans l’ombre (…) Il y a deux côtés dans le monde, Clémence ne juge pas, ne se révolte pas, on ne peut pas dire qu’elle souffre. Mais elle n’est pas née du bon côté, le côté ensoleillé du monde. »
Les Gilets jaunes, tout comme l’ensemble des travailleurs, n’ont peut-être pas tous lu Genevoix, mais ils veulent, raisonnablement, logiquement, eux aussi, auprès de leurs familles, vivre sous les confortables rayons du soleil. La première responsabilité d’un travailleur en lutte, avec Gilet jaune ou sans gilet, c’est de refuser l’inacceptable et de le faire savoir haut et fort.

La répression, une fois de plus :

Enfin, le quotidien Libération, dans un numéro qui s’est probablement très bien vendu, a sortit l’hiver dernier un dossier consacré aux « slogans sexistes, homophobes, aux propos et attaques antisémites » qui auraient été entendus lors des manifestations suivies par leurs échotiers tout en ayant barré sa une et en caractères gras “Une spirale nauséabonde” . En fond de page, une image de la Marseillaise de Rude au visage éclaté puis à l’intérieur de ce même papier torcheculatif (Rabelais-Gargantua ; chap. 13), les photos d’un engin de chantier forçant l’entrée d’un ministère, des scènes de guérillas urbaines mettant aux prises des assaillants déterminés et une implacable répression policière. Puis, encore, des photos de restaurants et de commerces pris d’assaut, des kiosques à journaux incendiés et des vitrines brisées. Ce journal, particulièrement apprécié du pouvoir qui, de façon on ne peut plus démagogique, a été utilisé à toutes les sauces afin de justifier les terribles représailles qui s’en sont suivies. Le score des forces de l’ordre est sans appel. Des énucléations, des éviscérations, des amputations, des blessures par milliers, des vies abîmées et des jeunesses sacrifiées, une fois de plus.

Depuis 1848, les modes opératoires de la bourgeoisie au pouvoir se sont modifiés dans ses formes, fini les fusils à culasses mobiles, nous vivons au XXIème siècle et nous subissons/“bénéficions” d’un pouvoir qui s’autoproclame « progressiste » et « démocratique ». Désormais, nous bénéficions donc, du lanceur de balles de défense, LBD, des grenades de désencerclement et des giclées de gaz divers et variés, lorsque revêtus d’un Gilet jaune ou d’une chasuble syndicale, nous nous mobilisons pour exiger plus de justice sociale et de démocratie.
À présent, alors que de l’Amérique latine à l’Asie en passant par l’Afrique, l’Europe et le Moyen-Orient, le monde connaît des flambées de soulèvements révolutionnaires simultanées, les problèmes et les difficultés que révèle la lutte des Gilets jaunes sont toujours au centre des débats.

Depuis novembre 2018, point de départ du mouvement des Gilets jaunes en France, les gouvernements de 32 pays sont ébranlés par des contestations qui tendent à s’ancrer dans la durée. En France, en Équateur, en Iran, au Soudan, au Chili, au Liban, en Albanie, en Serbie, en Haïti, en Égypte, en Algérie, à Hong Kong, en Russie, en Guinée, en Catalogne, en Éthiopie, les travailleurs et les peuples sont entrés dans la lutte contre leurs élites politiques, contre le colonialisme, contre l’impérialisme et contre le capitalisme qui les exploitent, les paupérisent et les affament.

Et ce ne seront ni les palinodies, ni les caprices de classe du ci-devant Macron et de ses acolytes des cinq continents qui y changeront quoi que ce soit : « On est là, on est là… »

Victor HUGO
*Sur une barricade

Sur une barricade, au milieu des pavés
Souillés d’un sang coupable et d’un sang pur lavés,
Un enfant de douze ans est pris avec des hommes.
- Es-tu de ceux-là, toi ? - L’enfant dit : Nous en sommes.
- C’est bon, dit l’officier, on va te fusiller.
Attends ton tour. - L’enfant voit des éclairs briller,
Et tous ses compagnons tomber sous la muraille.
Il dit à l’officier : Permettez-vous que j’aille
Rapporter cette montre à ma mère chez nous ?
- Tu veux t’enfuir ? - Je vais revenir. - Ces voyous
Ont peur ! où loges-tu ? - Là, près de la fontaine.
Et je vais revenir, monsieur le capitaine.
- Va-t’en, drôle ! - L’enfant s’en va. - Piège grossier !
Et les soldats riaient avec leur officier,
Et les mourants mêlaient à ce rire leur râle ;
Mais le rire cessa, car soudain l’enfant pâle,
Brusquement reparu, fier comme Viala,
Vint s’adosser au mur et leur dit : Me voilà.
La mort stupide eut honte et l’officier fit grâce.

L’année terrible

P.-S.

*Sources :

GARIGOU, Alain.- Le printemps des peuples. Le Monde diplomatique, mai 2011.

GARIGOU, Alain.- Mourir pour des idées. Ed. les Belles lettres, Paris-2010.

CORBIN, Alain.- La barricade. Publication de la Sorbonne, Paris-1997.

MARX, Karl.- Le 18 brumaire de Louis Bonaparte (1852). Ed. Gallimard, Paris-2007. Coll. La pléiade.

SALLENAVE, Danièle.- Jojo, le gilet jaune. Ed. Gallimard, Paris-2019. Coll. Tracts.

COLLECTIF.-Petite histoire de la Première Internationale (AIT). À la rencontre de Karl Marx et Michel Bakounine. Ed. Théolib, 2019. Coll. Résistances.

DUFRESNE, David.- Dernière sommation. Ed. Grasset, Paris-2019.


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