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Sur une page d’Histoire

Guerre des Paysans et Socialisme

PRESSE LIBRE - FREIE PRESSE - Le Journal des Égaux n°6 (Septembre 2008)

dimanche 14 septembre 2008, par Georges HOFFMANN


Le massacre des paysans

Pour résumer, l’armée du duc de Lorraine n’a pas été attaquée véritablement lors du franchissement difficile du col et des vallées encaissées qui amènent à Saverne. La forteresse du Haut Barr qui domine et contrôle la ville a été laissée à un capitaine qui la remise aussitôt au duc de Lorraine. Une “armée” de 6000 paysans qui venaient à la rescousse et qui permettait de prendre les troupes du duc à revers entre Saverne et Lupstein a été défaite sans que les 18 000 paysans réfugiés à Saverne n’aient tenté une sortie.

Les 18 000 paysans venus de tout le Nord de l’Alsace et de lorraine allemande (Moselle) ont commencé à élever la voix entre eux, certains disant qu’il fallait se battre (évidemment) et les autres disant que c’était folie contre les troupes entraînées et armées jusqu’aux dents (mais que diable allaient-ils faire en cette galère alors…). Finalement, après en être venus aux mains entre eux, la reddition est négociée, et les paysans sont sortis sans armes, entourées par la troupe de mercenaires venus pour piller… Bauernstrafe

La suite est simple, ils furent tous massacrés… Soit disant après un échange d’injures réciproque, d’après de bons historiens luthériens aux ordres, qui démontrent encore une fois ce qu’ils sont, comme si les paysans pouvaient être bêtes à ce point.

Non, le duc avait promis, ensuite les mercenaires ont provoqué…

Friedrich Engels rapporte que dans toutes les régions d’Allemagne, le même type de scénario eut lieu : hésitations, manque d’unité, absence de science guerrière, tromperie systématique par les nobles sur fond de prières et extermination. L’ancien coiffeur du chef des paysans, Erasmus Gerber, eut la vie sauve devant toute la cour de Lorraine après avoir accepté d’étrangler son chef et de le pendre au saule.

Ensuite le duc se rendit en Haute Alsace poursuivre son œuvre d’extermination (à Scherwiller près de Sélestat) puis rentra chez lui, avec une armée transformée en gigantesque bordel, du fait de toutes les femmes emmenées et du pillage. Résultat de l’alliance œcuménique entre le parti catholique et les bourgeois puritains. D’autres massacres de masse eurent lieu, à Ensisheim notamment, près de Mulhouse, mais cette fois-ci par les Habsbourg, dont c’était le siège en Haute Alsace (actuellement, c’est celui de la prison du Haut-Rhin et d’une armurerie célèbre bavaroise).

Le nombre des tués, ne serait-ce qu’à Saverne, a été estimé à au moins 20 000, ce qui était alors l’équivalent de la population de Strasbourg, la ville impériale la plus importante sur le Rhin, avec Cologne. Personne ne s’en est encore remis dans le coin. Mais ceci eut lieu dans toute l’Allemagne, tandis qu’en France se préparait la Saint Barthélemy, sans laquelle la France ne serait plus la fille aînée du Vatican… Le cœur se serre devant cette tragédie, exactement comme devant le massacre dans les camps de concentration nazi des militants ouvriers puis des juifs (à qui on disait, comme le duc de Lorraine l’avait promis, qu’ils allaient prendre une douche), au ghetto de Varsovie, au massacre des Indiens d’Amérique, au Ruanda de l’organisation des Nations Unies…

Les mouvements issus de l’aile radicale de la Réforme

Ce sont des choses que l’on oublie trop souvent, étant en France habitué à la laïcité qui est une conquête démocratique et républicaine essentielle, grâce à la Révolution Française victorieuse, (qui déblaya définitivement les ducs de Lorraine et les comtes de Guise, ainsi que leurs mercenaires et prostituées), à la Commune de Paris et au parti de 1905 de Jaurès.

J’ai, il n’y a pas longtemps exprimé à un collègue mon sentiment sur une certaine hypocrisie que j’ai pu souvent déceler chez les protestants et le voilà qui explose, à mon grand étonnement en disant : “Ah le grand Menno, il disait croissez et multipliez-vous, mais ils sont toujours 8000, il faut croire qu’il y a de l’évaporation… !”.[1]

Je n’aurais jamais cru que je parlais à un ancien anabaptiste, et la similitude avec les problèmes de construction d’un parti indépendant peut au moins faire sourire… En effet ce grand mouvement que fut la guerre des paysans, puis les mouvements populaires qui furent essentiels dans les révolutions aux Pays-Bas (1579) contre l’Albe atroce, puis en Angleterre (1642-1648) avec les Niveleurs, devaient forcément donner une expression religieuse réformée, distincte du corps bourgeois de la Réforme et donc des Églises officielles.

Ce sont ce qu’elles appellent les “sectes” protestantes, qui furent innombrables et sont toujours très puissantes au États-Unis notamment. Ce domaine n’a pas toujours été négligé par le mouvement ouvrier moderne, puisque dans un pays comme la Russie, où beaucoup de révoltes s’exprimaient au travers d’expressions religieuses, il était normal de chercher à y implanter le mouvement ouvrier et démocratique. C’est ainsi que de nombreux chrétiens, qui recherchaient un communisme des origines, comme Engels a pu l’écrire, ont fait partie du parti bolchevik et de la IIème Internationale.

De la guerre des paysans en Allemagne, en Suisse, en Hollande, va sortir le mouvement anabaptiste, dont la forme religieuse sera d’attendre que la personne soit adulte pour qu’elle accepte ou non, avec son libre arbitre, d’entrer dans la communauté. Ce mouvement, parti de Suisse, avec la participation de Münzeriens, appelé ensuite Mennonite (lorsque le Hollandais Menno Simmons en pris la direction en 1632) a été de suite attaqué par Calvin qui condamnera leur précepte “communiste” selon lequel il serait interdit à un chrétien de “posséder ni maison, ni jardin, ni aucun héritage”.

Les anabaptistes, mennonites vont former des groupes variés, souvent non-violents, objecteurs de conscience, favorables à la séparation de l’Église et de l’État.[2]

Ce sont les “allemands de Pennsylvanie”, les Amish, qui vivent encore comme il y a longtemps, sans avoir ôté leur chapeau noir ou rasé leur barbe, un peu comme les juifs religieux que nous connaissons en Alsace.[3] En Pennsylvanie, le pays d’un autre mouvement, venu cette fois-ci de la révolution anglaise, se trouvent les Quakers.

Cet État fut fondé par William Penn et eut une forte importance dans la constitution des États-Unis. Ce sont les Églises baptistes, méthodistes, pentecôtistes, qui ont souvent accueilli les noirs, leurs negro-spirituals, puis leur blues, pour ne pas être dans la même église que les blancs…

P.-S.

Paru dans :
Presse Libre – Freie Presse - Le Journal des Égaux : 10 rue des Francs-Bourgeois 67000 Strasbourg

Documents joints

Notes

[1] On peut supposer qu’il parlait de la France et non de l’internationale…

[2] En 2000, la conférence mennonite mondiale, dont le siège est à Strasbourg, estime ses membres recensés à 1,2 millions dans 63 pays, dont 444 000 en Amérique du Nord

[3] Mais, on peut avoir ôté cela, et les garder moralement.

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