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Sur une page d’Histoire

Guerre des Paysans et Socialisme

PRESSE LIBRE - FREIE PRESSE - Le Journal des Égaux n°6 (Septembre 2008)

dimanche 14 septembre 2008, par Georges HOFFMANN


La guerre des paysans et le communisme

Entendons-nous, nous allons, comme du temps de Jaurès, utiliser les termes de communisme et de socialisme, un peu indifféremment, mais cela se discute, au vu de l’évolution de l’histoire depuis : en tout cas, les paysans voulaient la terre, elle était à Dieu, donc à eux. La voulaient-ils en parcelles individuelles, en coopératives, en commun ? Il devait y avoir de tout… Ce qui est certain, c’est que la rupture entre Luther et les paysans, son alliance avec les princes pour asseoir l’avènement du marché (du capitalisme moderne) et de la nation, c’est faite là-dessus. Münzer n’appellera plus que Luther, docteur “Lügner”, ce qui veut dire menteur. Le problème est que, si la parcellisation de la terre a été possible au cours de la révolution française, laquelle vengera les paysans, d’abord, elle ne l’a été qu’au prix d’un effort social terrible et avec la constitution d’un parti puissant, celui des jacobins, mais de plus elle s’est faite sur la base du développement du capitalisme, non du communisme.

De ce point de vue Luther n’était pas plus “Lügner” qu’un autre. Sauf qu’il a appelé au massacre des paysans, et qu’en cherchant à représenter la religion de la bourgeoisie, il a finalement permis à l’église catholique de se relever. Et elle qui fut presque deux millénaires, celle des derniers empereurs romains, puis de la féodalité la plus régressive, celle de l’inquisition et des bûchers, finit par concurrencer le protestantisme dans les cœurs des bourgeois modernes et même de chercher à pourrir les prolétaires de ses vieilles recettes paradisiaques.

En cherchant à représenter la religion de la bourgeoisie, alliée aux princes, il a finalement non seulement empêché l’unification de la nation allemande, mais permis la contre-réforme de l’église catholique qui assoira sa domination sur une grande partie des pays soulevés au cours de la guerre des paysans. C’est par exemple un lieu commun de dire des Bavarois qu’ils sont de droite, obtus, catholiques, or c’est un des hauts lieux du soulèvement protestant paysan, et même ensuite du communisme, puisque Münich fut la première ville à gouvernement communiste au cours de la révolution (prolétarienne) allemande après 1918.

La bourgeoisie des villes libres essaya souvent au départ du mouvement de la Réforme de négocier avec l’église romaine. Par exemple en Alsace, à Sélestat, haut lieu de la Renaissance, ville universitaire de grande importance, à l’époque comparable à celle de la ville libre impériale de Strasbourg, eut lieu une négociation réussie entre la municipalité et le légat du pape.[1] Sélestat était en conflit avec la Curie romaine, car la ville avait décidé de prélever directement les “prébendes du clergé” de telle manière à rétribuer directement les petits prêtres. L’évêché et la papauté s’en trouvèrent fort lésés et un interminable procès s’en suivit. C’est ainsi que Sélestat dans un premier temps devint réformée. Mais suite à un accord avec la Curie romaine, qui céda ses prébendes à la municipalité, celle-ci trahit la Réforme, changea de camp et le pays de Sélestat demeura catholique. Et le Beat Rinover de Rhinau, devint Beatus Rhenanus… À quoi tient-il aujourd’hui d’être catholique dans ce pays, sinon à une vieille traîtrise… ? En réalité cette remarque est générale et nous l’avons déjà dit à propos de la très catholique Bavière, autrefois farouchement réformée et révolutionnaire… Si Luther ne s’était pas alliée aux princes, même les dirigeants juifs n’auraient pu rester neutres, et on ne parlerait plus de l’Église catholique car il n’y en aurait plus. Ou alors limitée à une communauté de petits dirigeants homosexuels comme aux États-Unis.[2] Alors que la traîtrise de Luther et de la bourgeoisie en général vis à vis des masses paysannes soulevées ne permit à la religion protestante, religion de la jeune classe capitaliste alors progressiste et qui allait tout dominer, de ne devenir majoritaire que dans quelques pays.[3] Elle permit la contre-réforme et à la plus vieille des institutions réactionnaires de se rétablir.

Le problème d’un outil pour être en mesure de gagner

Le dirigeant social-démocrate bien connu, ami de Karl Marx, Friedrich Engels, et qui consacra tout un livre au “Bauern Krieg”[4] en tire comme principale conclusion qu’il manquait aux paysans un parti structuré et centralisé. Tandis que la révolution française fut une réussite par ce qu’elle s’est dotée d’un tel outil, le parti jacobin. Plus tard les sociaux-démocrates russes majoritaires reprirent ces conclusions pour arriver à chasser le Tsar de toutes les Russies. Bataille

Il est certain que la guerre des paysans fut un véritable drame pour cette classe sociale, trahie par la bourgeoisie des villes.

Prenons, l’exemple “français” du massacre de Saverne par les mercenaires du duc de Lorraine. Mais le même type de chose eu lieu partout en Allemagne, comme le répète Engels qui a pris ses sources sur le travail de recherche effectué par un vieux socialiste W. Zimmermann.

Le duc, Antoine de Lorraine, duc de Calabre, qui doit avoir 25 ans et qui demeure à Nancy, après avoir consulté cardinaux et évêques, son frère de Guise, gouverneur de Champagne, va lever une armée pour protéger ses biens en Alsace et empêcher que le soulèvement gagne la Lorraine et le reste de la France. Il s’agit d’une armée de mercenaires professionnels, avec ses capitaines de guerre, qui accourent de Flandre, de Pavie, d’Espagne, d’Allemagne, ainsi que du duché d’Anjou et du comté du Maine.[5] La fine fleur de la racaille féodale internationale venue pour piller, égorger, violer. Il y a 5000 lansquenets à pied et 6000 cavaliers, douze pièces d’artillerie lourde. Autour du duc de Lorraine et de ses frères, sont réunis quelques milices bourgeoises, mais surtout les représentants de l’aristocratie française et allemande, lorraine et alsacienne. La participation de la noblesse allemande est plus faible, car ils sont eux-mêmes face aux soulèvements locaux de leurs paysans.

L’armée du duc va passer à Vic sur Seille, à Dieuze, à Château-Salins, puis arrive à Sarrebourg. Le duc a envoyé un émissaire à la cour de France pour tranquilliser la reine mère qui gouverne en l’absence de François Ier, retenu prisonnier. Et il prend contact avec les autorités alsaciennes pour “libérer” Saverne qui a ouvert ses portes aux paysans.

Dans un appel commun, l’évêché de Strasbourg, le bailli impérial et le Conseil de Strasbourg[6] engagent le duc à faire le siège de Saverne.

Or la ville de Strasbourg, ses bourgeois si démocrates, si réformés, si bons luthériens en comparaison de ceux de Sélestat, si vile, possédait un corps d’armée aguerri et une artillerie lourde importante. Non seulement elle n’aida pas, mais elle se rangea du côté des tueurs…

P.-S.

Paru dans :
Presse Libre – Freie Presse - Le Journal des Égaux : 10 rue des Francs-Bourgeois 67000 Strasbourg

Documents joints

Notes

[1] Tiré de l’ouvrage de Gautier Heumann La Guerre des paysans en Alsace-Moselle Éditions Sociales

[2] Ce n’est pas nous qui le disons, c’est le journal “Le Monde” qu’on ne peut soupçonner d’être anticatholique, qui relate sur des colonnes entières l’intervention du Vatican contre des dizaines d’“évêques” et des centaines de prêtres qui se marginaliseraient encore plus en affichant ouvertement une homosexualité que la curie condamne.

[3] Peu de pays, mais dans un, qui n’est pas le moindre, les États-Unis d’Amérique, dont tous les “pères fondateurs” furent protestants, de toutes obédiences et finalement par force, laïques. Le catholicisme y relevait de la secte et semblait une hérésie…

[4] Qui signifie “Guerre des paysans” en allemand. Jean- Paul Sartre aussi, de façon plus théâtrale dans Le diable et le bon dieu, mais lui sous une forme qui ne permet pas l’espoir.

[5] Tous les détails cités ici proviennent toujours de l’ouvrage déjà cité de Gautier Heumann, ancien rédacteur en chef de l’Humanité d’Alsace et de Lorraine

[6] C’est-à-dire la bourgeoisie réformée de Strasbourg

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